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L’abomination a frappé de nouveau à la porte de notre conscience avec l’assassinat du professeur Samuel Paty. Ce n’est pas la première fois qu’un acte immonde nous atteint dans notre être, mais celui-ci touche au cœur même de l’apprentissage de la liberté, l’école de la République. Comme ceux qui l’ont précédé, l’acte d’un assassin de dix-huit ans, téléguidé par des adultes porteurs d’une idéologie meurtrière, s’appuie sur deux piliers : l’islamisme et les réseaux dits sociaux. Combattre les deux impose une double prise de conscience. La première touche à l’école ; la seconde aux dégâts de l’anonymat.

Notre école est traversée par deux mouvements historiques difficiles à concilier. Le premier remonte à Jules Ferry et défend l’idée que la formation de base doit permettre à tous les élèves, quelles que soient leurs origines, d’adhérer à une même histoire, quelles que soient ses imperfections, et de partager un même projet pour l’avenir. Autrement dit, de devenir pleinement Français, de dépasser leur condition initiale, ethnique, nationale, religieuse, de s’émanciper de leurs racines – sans les renier – pour se reconnaître dans un universalisme libérateur. Dans cette logique, l’identité républicaine transcende toute autre espèce d’identité.

Le second dérive du vaste mouvement de décolonisation enclenché après la deuxième Guerre mondiale (la libre disposition des peuples à disposer d’eux-mêmes), mais aussi de la montée d’un relativisme qui refuse, à juste titre, de hiérarchiser les cultures. Dans cette perspective, il s’agit de ne rien imposer qui puisse s’opposer à une spécificité culturelle.

Dans un pays comme la France, ouvert à l’immigration, et cela depuis des siècles, la rencontre de ces deux courants a fragilisé l’institution éducative en promouvant des cultures familiales ennemies des ambitions républicaines telles que l’égalité des femmes et des hommes, la liberté d’expression, la condamnation du racisme et de l’antisémitisme, la laïcité. Avec pour corollaire un soutien des familles qui fait de plus en plus défaut à l’école, ce qui accentue sa fragilisation. De ce point de vue, l’ouvrage de Jean-Pierre Obin (Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école – Hermann, 2020) est plus que convaincant.

Il est temps que le télescopage de ces deux conceptions soit mis sur la table, débattu, et permette de trouver les solutions de son dépassement.

La seconde prise de conscience concerne l’anonymat sur les réseaux dits sociaux. Sous un pseudonyme, n’importe qui peut injurier, inciter à la haine raciale, pousser à l’assassinat, mettre en ligne des photos sanguinaires, et rester impuni. L’anonymat permet de se soustraire à la responsabilité individuelle. Or, cette dernière est l’un des piliers sur lesquels repose la démocratie. Toute personne y est responsable de ses actes et de ses propos. Le Conseil constitutionnel a rejeté le projet de loi Avia qui entendait conditionner la liberté d’expression au respect de valeurs fondamentales. Cette liberté est également un des piliers de la démocratie, mais peut-on la défendre quand ceux qui en usent ne sont pas repérables ou ne sont découverts qu’après des enquêtes qui prennent des jours et des jours, quand la diffusion instantanée d’un message peut atteindre des milliers ou des centaines milliers de personnes en quelques secondes ? Il existe une dissymétrie redoutable entre ceux qui attisent la violence, librement, et la grande difficulté, voir l’impossibilité de remonter jusqu’à eux.

Nous devons dire les choses simplement : l’anonymat sur les réseaux dits sociaux est la négation de la responsabilité individuelle. Il contribue donc à saper la démocratie.

Jusques à quand ? Il est temps d’y mettre un terme.

Voir sur Slate:

http://www.slate.fr/story/196262/apres-assassinat-samuel-paty-repenser-ecole-combattre-anonymat-reseaux-sociaux