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Rédacteur en chef international du Monde, Christophe Ayad signe une chronique dans le quotidien daté du 2 décembre, intitulée : L’israélisation du monde (occidental). L’accroche de l’article résume le propos : « L’Occident s’est mis à ressembler à Israël : Une forteresse assiégée, cherchant des réponses sécuritaires à ses problèmes politiques ».

Il ne s’agit donc plus de voir dans les Juifs, des bourreaux, position antisémite traditionnelle, qui permet « d’équilibrer » Auschwitz et d’acquérir à bas prix une bonne conscience, mais de désigner Israël comme le fossoyeur de la civilisation occidentale, incapable de réagir « intelligemment » au terrorisme aveugle dont il est la cible. Et ainsi, Israël n’est pas isolé dans le monde, comme le croirait la droite israélienne, « c’est l’Occident qui a rejoint Israël, symptôme avant-coureur de ce qui l’attend. » Attention, braves gens de l’Occident, ce n’est pas le terrorisme qui vous menace, c’est de devenir comme Israël. Se défendre comme le font les Israéliens quand on veut les tuer, c’est mal. Ils n’ont rien compris. Pensez donc : ils cherchent à prévenir les assassinats ! Ils feraient mieux de changer de méthode. Bien entendu, le journaliste n’en propose aucune.

Les deux colonnes publiées illustrent assez bien l’espèce de culpabilité ressentie par une partie des occidentaux devant ceux qui les nient. La pensée tient en peu de mots : l’Etat d’Israël a subi la violence terroriste bien avant les pays occidentaux et a réagi en se défendant comme il pouvait (mur de séparation, checkpoints, permis de travail, etc.), au point aujourd’hui d’installer une surveillance qui va jusqu’à repérer dans l’ordinateur d’une jeune Palestinienne ses projets de meurtre. Et notre auteur de se lamenter en reprochant à l’Etat hébreu, comme au monde occidental qu’il aurait contaminé, « le refus de se poser la seule question qui vaille : pourquoi une jeune fille pas encore majeure en vient-elle à projeter de poignarder des soldats ou des civils au lieu d’aller en classe ? »

Mais oui, après tout, pourquoi ? Pourquoi des lycéens éduqués en France partent-ils pour la Syrie afin de se former à la violence aveugle ? Pourquoi ne parvient-on pas à extirper d’un cerveau l’obsession de la haine ? Lisez l’article : l’ombre de la réponse s’y profile derrière ses lignes. Peut-être parce que jeune Palestinienne ne supporte pas la présence d’Israël. Peut-être parce qu’elle préfère tuer des Juifs que d’aller en classe, comme les djihadistes français qui haïssent tellement la France qu’ils veulent tout, sauf s’arrêter de tuer des Français sur leur sol (voir les bonnes feuilles de Les Revenants, de David Thomson, publiées par Le Monde du 1er décembre 2016). Peut-être, après tout, parce que nous leur procurons les raisons de leur haine. Ah, salauds de victimes ! Il faudrait enfin reconnaître que si le terrorisme se déchaîne contre Israël, comme contre de nombreux pays occidentaux, c’est que nous sommes tous coupables. De quoi ? Oui, au fait, de quoi exactement ?

Quand une femme portant une minijupe se fait violer, elle l’a bien cherché, n’est-ce pas ? Elle n’a que ce qu’elle mérite. Si elle s’habillait autrement, ça n’arriverait pas. Quand un sale gosse se fait tabasser, il faut quand même reconnaître qu’il était exaspérant. Quand un otage est décapité, ne s’est-il pas exposé à cette barbarie en refusant de se plier à la règle des assassins en puissance ? Et bien entendu, il ne s’agit pas seulement d’occidentaux, mais de tout être humain vivant sur terre.

De quoi sont coupables toutes ces victimes  du terrorisme? Tout simplement de vivre. Ils ont tous le droit de vivre comme ils l’entendent, sans menacer la vie des autres. Et l’Occident, comme Israël, aussi. Bien sûr, notre journaliste souhaite, comme tout le monde, que le conflit israélo-palestinien soit réglé « d’une manière réaliste et rationnelle ». Mais il ne précise pas comment, ni s’il faut, de guerre lasse, renoncer à vivre comme on le souhaite pour que les terroristes cessent de nous assassiner. Ce qu’il appelle un « problème politique ».

Lire sur Slate.fr : Terrorisme: pourquoi reprocher aux victimes de se défendre? | Slate.fr