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D’un côté, un homme jeune, provincial, qui par son travail, et son esprit, a réussi à intégrer une grande école et à en sortir brillamment. Il réussit aussi dans une activité bancaire privée, gagne bien sa vie, dans un monde où il est très difficile de rester en poste si l’on n’est pas efficace et si l’on obtient pas de bons résultats. Il occupe ensuite une fonction de conseiller auprès du président de la République, devient ministre et, insatisfait de la ligne suivie, finit par démissionner du gouvernement pour se lancer dans l’action politique. Il n’obtient rien en contrepartie. Pas de beau poste ailleurs. Pas de soutien financier. Il candidate à la présidence de la République et, contre toute attente, se qualifie pour le second tour en arrivant premier. En un mot, il est l’exemple même du mérite républicain.

L’héritière devenue la candidate du peuple

De l’autre, une fille de famille, riche héritière d’un antisémite xénophobe ennemi de la République, dont elle a hérité aussi des idées en les maquillant pour se donner l’apparence de la virginité. Elle n’arrête pas de se réclamer du peuple et jette l’anathème sur son milieu naturel: le «système». Elle qui l’incarne comme personne, qui s’en nourrit, qui profite de l’argent public détourné tout en crachant dessus, la voilà qui se présente en ayatollah condamnant le mérite républicain. Et une partie de la France, déjà lepénisée, s’apprête à voter pour l’héritière, pas pour le méritant. Quelle gangrène infecte une frange de notre pays?

Face à l’entreprise du F Haine, une portion de la gauche radicale et une portion de la droite bien-pensante, tétanisées, s’interrogent. Ne faut-il pas s’abstenir? S’abstenir? Devant le retour de Vichy? S’abstenir? Mais c’est déjà collaborer. Collaborer, ce mot ne vous rappelle rien? La talentueuse journaliste Audrey Pulvar a signé une pétition contre Le Pen. La voilà suspendue par sa chaîne, qui invoque le «devoir de réserve». Bravo à Audrey Pulvar. Le courage n’est pas si répandu aujourd’hui.

Confrondre programme et propagande

Quand la France lepénisée va-t-elle se réveiller? Quand réalisera-t-elle qu’il est tout simplement honteux de placer sur le même plan Le Pen et Macron? Il n’y a devant nous en réalité qu’un seul candidat. Il s’appelle Emmanuel Macron. Je regrette qu’il n’ait pas un opposant sérieux au second tour, permettant de comparer des programmes, des visions de l’avenir pour la France. Au lieu de cela, nous n’avons aucun choix. Est-ce un choix de se fermer au monde? Un choix de fermer les frontières? Un choix de fermer les yeux sur le drame des réfugiés ? Un choix de fermer la porte aux demandeurs d’asile? Le programme de Le Pen? Fermer, fermer, fermer. Ne confondons pas programme et propagande. Le «programme» de Le Pen est un tissu de contre-vérités ou de mensonges. Une imposture.

Certains de nos compatriotes tombent néanmoins dans le panneau. Lepénisés, ils appellent déjà Le Pen par son prénom. Ils estiment qu’elle peut présider la France. Honte sur cette idée. Elle serait digne de présider la France celle qui, invitée à une émission de télévision, refuse que soit présent le drapeau européen? Au lieu de la renvoyer dans ses foyers, la chaîne obéit. Elle serait digne de présider la France, celle qui grossièrement pousse la foule à hurler «Macron on t’encule»? Elle serait digne de présider la France celle qui se fait adouber par Poutine? Elle serait digne de présider la France celle qui a désigné à la tête de son parti un parfait négationniste, et qui fait mine de le découvrir au dernier moment? Elle serait digne de présider la France celle qui compte dans son premier cercle d’amis des individus fascinés par le nazisme? Elle serait digne de présider la France celle qui est accusée, avec son parti, d’avoir détourné près de 5 millions d’euros du Parlement européen? Si c’était le cas, la France des Lumières serait entrée dans la nuit. Comme sous Pétain. Mais c’est à Macron que certains reprochent son entourage!

La tentation du suicide

De son côté, pourtant, tout respire l’ouverture, l’espoir du renouveau, l’action positive. Par opposition, avez-vous entendu, seulement une fois, je dis bien une fois, Le Pen et consorts tenir l’esquisse du début d’un discours positif ? Chez elle et chez eux tout est négatif. Tout va mal. Tout est pourri. Décidément, on voit le monde à son image.

Il arrive que des nations, comme les individus, soient tentées par le suicide. Tout se passe comme si notre pays caressait aujourd’hui une telle idée. Mais un de mes amis philosophes l’affirme: il ne faut pas se suicider, parce qu’après, on le regrette.

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