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Les Temps Modernes n°655

D’une crise à l’autre

Il est pratiquement impossible de désigner avec certitude la cause première d’une épidémie : de multiples facteurs interviennent pour qu’un phénomène contagieux s’enclenche à partir d’un instant donné. Décrire sa propagation est en revanche plus simple. Une fois les vecteurs de transmission repérés, il suffit de suivre les étapes franchies par le virus et d’identifier les formes que ses attaques revêtent. Tel est aussi le cas pour les emballements financiers. A court terme, la crise dite des subprimes joue le rôle de déclencheur – au cours du printemps 2007 – aux Etats-Unis. Elle provient du transfert des risques encourus sur des titres eux-mêmes issus de créances hypothécaires douteuses : les emprunteurs sont des ménages aux revenus modestes que des professionnels peu scrupuleux embarquent dans l’acquisition d’un logement.[1] Si les acheteurs ne peuvent faire face à leurs échéances mensuelles, leur seul espoir est que la valeur de leur bien immobilier s’apprécie. Sans quoi ils deviennent insolvables. C’est d’ailleurs sur ce pari que s’appuient les vendeurs pour allécher les clients. Le retournement du marché en 2006/2007 aux Etats-Unis a entraîné une cascade de défections qui, de proche en proche, finit par toucher tous ceux qui avaient placé leurs fonds dans ces actifs plus ou moins pourris, en particulier certaines banques entraînées jusqu’à utiliser des fonds propres dans des opérations spéculatives et à infecter des placements de confiance (comme par exemple des SICAV) avec des produits avariés.

La propagation de cette première crise provoque peu à peu une méfiance des acteurs financiers les uns à l’égard des autres. Comment savoir, dans le système décrit précédemment, qui est fiable, qui non ? Les agences de notation – sociétés qui estiment la qualité d’une signature au moyen de nombreux critères –, payées par ceux qu’elles évaluent, perdent une partie de leur crédibilité[2]. Quant aux autorités monétaires, que penser de leurs déclarations contradictoires et de leurs décisions parfois confuses? Tandis que la Banque fédérale des Etats-Unis organise le rachat de la banque Bear Sterns, sans d’ailleurs demander leur avis aux actionnaires (absorption par JP Morgan le 24 mars 2008 pour 1,4 milliard de dollars, soit un sixième de sa valeur boursière deux semaines auparavant), la Banque centrale[3] européenne tarde à modifier sa politique des taux d’intérêt.

La crise interbancaire prend logiquement le relais. Alors que les autorités monétaires agissent plutôt dans le bon sens, mais de façon désordonnée parfois, peu concertée souvent, tout au moins jusqu’au pic de la mi octobre 2008, les opérateurs financiers ne veulent plus prendre le risque d’impayés. Ils ne prêtent plus à leurs homologues. De sorte que les établissements spécialisés dans le crédit ne délivrent plus de crédit puisqu’ils ne peuvent plus trouver les fonds (ce qu’on appelle le refinancement) qui leur permettent d’exercer leur métier. Ainsi, la prophétie auto réalisatrice est à l’œuvre : pour éviter d’être victime du collapsus généralisé que tous redoutent, chacun se comporte d’une manière qui engendre précisément cette situation. Il ne s’agit pas d’une crise de liquidité à proprement parler mais d’un assèchement du marché interbancaire par rétention des liquidités disponibles.

Ce contexte pousse les agents économiques à anticiper des difficultés majeures.[4] En dépit des mesures arrêtées pour relancer l’ensemble de la machine financière (déclarations rassurantes mais surtout nationalisations partielles ou totales, garanties pour les prêts interbancaires, injections de liquidités par les autorités monétaires – plusieurs centaines de milliards de dollars[5]), les bourses du monde entier s’agitent comme jamais auparavant. Il devient presque courant d’observer, en moins de vingt quatre heures, des variations de 10 à 15% d’un indice reflétant l’évolution d’un marché (Dow Jones américain, CAC 40 français, Footsie britannique, Dax allemand, Nikkei japonais, etc.). En 2007, une baisse de 5 à 7% en une journée, cela s’appelait, encore, un krach ! Le redémarrage du crédit, trop lent, signifie déjà un ralentissement de l’activité qui peut se transformer en crise économique. Nombreux sont alors ceux qui dissocient la finance de l’économie dite « réelle ». Pour eux, le monde financier connaît des phases qualifiées de spéculatives, qui se gonflent comme des ballons jusqu’au jour où une épingle fait tout éclater. Cette manière de voir présente l’inconvénient majeur de faire croire que la finance n’appartient pas à la réalité. Certes, tandis que le PIB total du monde était évalué en 2007 à un peu moins de 45 000 milliards de dollars, les transactions financières approchaient cette même année les 550 000 milliards de dollars. Dix fois plus. Cela ne signifie pourtant pas qu’il y ait déconnexion entre ces deux pôles complémentaires d’une même réalité. La finance conditionne toute activité comme le liquide nutritif représente l’unique chance de salut des organismes vivants. Qu’elle opère en partie pour elle-même ne doit pas la disqualifier. Après tout, quand l’industrie utilise des consommations intermédiaires (matières premières, fournitures, dépenses de fonctionnement), d’une certaine manière pour elle-même, afin de délivrer un produit fini, elle n’est pas stigmatisée. Que la finance donne lieu à des dérapages condamnables ne doit pas conduire à la condamner. Suivant l’expression consacrée, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Nous voilà parvenus au bout d’une description à grands traits. Le paquebot Finance mondiale a bien heurté un iceberg dénommé subprime.[6] Les cloisons étanches ont cédé, comme dans l’histoire tragique bien connue, tous les compartiments de l’économie finissant par être touchés. Pourtant, la catastrophe a pu être évitée – de justesse. Alors que le navire s’enfonçait inexorablement, les pouvoirs publics l’ont stoppé net en le renflouant. Quel sens revêt cet épisode majeur de l’histoire contemporaine ? Explorer cette question forme la substance des lignes qui suivent.

Economie et endettement

Depuis la fin des années soixante dix, une évolution déterminante a transformé du tout au tout le visage de la finance, celle des 3 D : Décloisonnement, Déréglementation, Désintermédiation. Le premier D consiste en une reconfiguration de chaque marché national par la suppression des multiples barrières qui jusque là séparaient les métiers de la finance, mais aussi par une connexion progressive de tous les grands marchés nationaux entre eux. Le deuxième traduit une autonomie grandissante des marchés due au déclin relatif, mais volontaire, des contraintes étatiques, plus ou moins contrebalancé par la croissance de règles prudentielles propres aux opérateurs privés. Le troisième organise la rencontre directe entre emprunteurs et prêteurs à une échelle mondiale, sans plus passer obligatoirement par les intermédiaires traditionnels qu’étaient les banques, conduisant d’ailleurs ces dernières à chercher de nouvelles sources de rémunérations. Ces trois mouvements conjoints ont communiqué à la finance une puissance qu’elle n’avait jusqu’alors jamais atteinte. Durant des lustres, elle s’articulait à la monnaie métallique, à quoi elle restait rivée. Ce qui revient à dire que les espèces constituaient le volume initial à disposition des échanges à partir duquel une activité financière – principalement du crédit – pouvait se déployer. Ce stock solide ne pouvait provenir que de deux sources : l’exploitation du sol et du sous-sol – l’extraction de minerais (or, argent) –ou la prise à autrui – la capture de butins. Pour faire très court, la Nature ou la guerre. L’avarice connue de la première n’a jamais permis d’atteindre l’abondance : il faut se battre pour en extraire les métaux dits précieux, dont l’Europe, berceau du capitalisme, est paradoxalement dépourvue.[7] Le Nouveau Monde, conquête espagnole à partir xvie siècle, la Saxe, la Bohème, la Hongrie fourniront un peu du métal tant convoité avant que la Californie, l’Afrique du Sud ou la Sibérie ne prennent le relais au xixe siècle. Sans vraiment pourvoir aux besoins toujours grandissants. Quant à la guerre, elle permet, certes, de s’approprier les trésors d’autrui, mais à condition que la victime ne rende pas le coût de la rapine plus élevé que son bénéfice. Pendant longtemps, cette deuxième pratique domine, sans que d’ailleurs elle soit incompatible avec la précédente. Hélas pour les voleurs, la prise conserve un caractère aléatoire tandis que l’équipement, les armes, les défenses érigées par les proies désignées, l’enfouissement des biens, les distances à parcourir élèvent sans cesse le prix des expéditions belliqueuses. D’autant que l’acquis par la violence doit être défendu contre d’autres violences. Aucun résultat garanti d’un côté, renchérissement des conflits de l’autre, il n’en fallut pas plus pour que l’imagination humaine exploite un autre filon, inépuisable, celui du crédit et de la finance.

Cette troisième voie offre une solution sinon miraculeuse – comme les espoirs placés dans l’alchimie, toujours déçus – du moins étonnamment efficace. Tandis que la Nature et la guerre s’inscrivent dans une économie du prendre, le crédit s’incruste dans une autre logique, celle du vendre. Son potentiel est infini. Son invention remonte à Sumer, peut-être même avant. Il faudra néanmoins des siècles pour qu’il s’impose comme voie royale du capitalisme : même encore au milieu du xixe, Marx souligne que pour solder une dette, on doit payer avec de la « vraie monnaie », cash, c’est-à-dire avec du solide, des espèces. Il finira pourtant par vaincre toutes les réticences, au point de devenir inhérent à toute activité marchande.

Bien entendu, les sociétés humaines n’ont pas attendu la raréfaction progressive des butins ou l’épuisement relatif des ressources aurifères pour leur trouver un substitut. S’il n’a pas supplanté le métal précieux, le crédit s’y est ajouté. Il a pour ainsi dire démultiplié un stock métallique donné. Le principe, ancestral, est simple : il suffit au commerçant de disposer d’un volume d’or initial, qui demeure la garantie du règlement, pour introduire un délai de paiement. Avec le concours de celui qui s’appelle d’abord le changeur, puis le financier, enfin le banquier, l’opération est réalisable. La monnaie métallique initiale se double d’une monnaie fiduciaire et d’une monnaie scripturale, dont elle est le gage. A tout moment, le détenteur d’un billet de banque ou d’une quelconque écriture (traite commerciale par exemple) peut en exiger la transformation en cash. Les billets d’abord, les écritures en compte par la suite supplanteront vite les espèces, trop lentes, trop lourdes, trop exposées au vol, peu pratiques, non extensibles si l’on peut dire. Toute référence métallique pour la monnaie sera officiellement supprimée par les accords de la Jamaïque, en 1976, libérant de sa tutelle la dernière monnaie rivée à l’or, le dollar – mais c’était le cas de facto depuis longtemps. La « vieille relique barbare », suivant le mot de JM Keynes, entrait au musée. Légalement, seules les banques pouvaient créer de la monnaie scripturale (écritures en comptes) et les Banques centrales émettre de la monnaie fiduciaire (billets).[8]

Par un lent mouvement plus ou moins régulier, avec des à-coups, des retours en arrière, des avancées inattendues, la monnaie a donc cessé d’être un bien pour se transformer en une étrangeté conceptuelle. L’or était une matière, on le déposait en banque en échange d’un bon (une bank-note) qui permettait de récupérer son bien à volonté. De nos jours, la monnaie qui sert à toutes nos transactions revêt, tel Janus, une double face : elle est tout à la fois une créance dont nous disposons sur l’institution qui l’a engendrée (banque pour les crédits de toute sorte, Banque centrale pour les billets)[9] et une créance de celle-ci sur les bénéficiaires. Dit autrement, nous nous payons les uns les autres avec des dettes des banques envers nous, dettes qui jadis étaient les contreparties de l’or en circulation et qui désormais ont pris la place de ce dont elles furent un temps la promesse. Quand la banque accorde un crédit, elle ouvre une ligne. Avec les nombres inscrits sur son « livre », il devient possible de solder les échanges. A la question : quelle est la nature de la monnaie contemporaine ?, la réponse est donc : une créance/dette, tout dépend de quel côté vous vous placez pour en parler.

Tout le problème est que cette puissance est infinie. Extraire des métaux du sol ou du sous-sol exigeait des efforts et du temps. Afficher une somme sur un écran avec un clavier[10] d’ordinateur est enfantin. Aussi fallut-il cadrer cette activité. Dans tous les pays du monde où existe un système bancaire, les banques doivent respecter des règles plus ou moins strictes, imposées par les gouvernements, pour éviter la création monétaire ad libitum. C’est par exemple le cas du rapport entre les fonds propres et les prêts accordés. Nous y revenons dans un instant.

Il reste que l’ensemble du système ne peut fonctionner que par l’endettement. Des ménages, des entreprises, des Etats. Tout agent économique ne détient jamais rien d’autre, en matière monétaire, que des créances sur les banques. Le raisonnement par l’absurde exprime peut être mieux encore le phénomène : supposez que chacun – particuliers, entreprises, Etats – soit obligé de solder ses comptes auprès des banques, de rembourser les crédits dont il bénéficie. La totalité du monde se retrouverait en faillite immédiatement, à commencer par les banques. Voilà pourquoi il est impensable de ne pas sauver ces dernières lorsque leur effondrement représente un réel danger qualifié de « systémique ». C’est la raison pour laquelle les autorités américaines sont massivement intervenues en 2008 pour éviter la chute d’institutions financières comme Merrill Lynch ou l’assureur AIG, mais aussi des banques comme Bear Sterns, Morgan Stanley ou même Goldman Sachs. Pourquoi Lehman Brothers fut-elle abandonnée à son sort, le 15 septembre 2008 ? Nul ne peut répondre avec certitude à cette question. Cette banque n’étant pas d’une importance économique majeure, on dut penser que sa chute n’entraînerait pas de conséquences. L’erreur est de n’avoir pas compris que l’enjeu était bien systémique, au moins du point de vue psychologique. Dès après cette faillite, la panique gagna les esprits et les interventions de la FED pour endiguer le tsunami financier augmentèrent à proportion.

C’est donc dans l’urgence que la Banque centrale des Etats-Unis a dû alimenter en liquidités les opérateurs les plus menacés. Se trouvait posé, radicalement, le besoin en monnaie à un moment critique.

Monnaie et activité

Comment déterminer le juste équilibre entre la référence métallique et le volume de monnaie fiduciaire comme scripturale en circulation ? Telle fut la grande question à laquelle s’attaqua la théorie économique pendant au moins trois siècles.[11] Cette préoccupation n’a pas quitté les esprits du xxie siècle, la démonétisation de l’or la rendant plus impérative encore. C’est aujourd’hui la tâche assignée aux grandes Banques centrales, à commencer par la Federal Reserve des Etats-Unis (Fed). Toutes les banques d’un pays ayant un compte ouvert auprès de la Banque centrale nationale, les autorités monétaires peuvent contrôler le respect des règles en cours et sanctionner les manquements. Ainsi, chaque établissement bancaire doit-il détenir des fonds non rémunérés – dénommés réserves obligatoires – auprès de sa Banque centrale, ce qui freine sa capacité créatrice.

Dans l’échafaudage moderne, ce n’est donc plus la Nature qui joue le rôle de contrôleur mais l’Institut d’émission de chaque pays. Quand celui-ci veut assouplir les conditions du crédit, par exemple pour stimuler l’activité (les ménages peuvent emprunter moins cher, ils s’endettent, achètent des biens – immeubles ou meubles – soutenant ainsi la demande, donc les carnets de commandes des entreprises), il lui suffit d’offrir des liquidités sur le marché interbancaire (là où chaque banque peut trouver des fonds pour financer, à court ou à plus long terme, ses opérations, notamment de prêts à l’économie) à un taux d’intérêt avantageux. Tous les établissements qui sont emprunteurs s’adresseront à elle plutôt qu’aux établissements prêteurs, ces derniers abaissant leurs taux d’intérêt pour conserver leur clientèle. Cette intervention, dite d’open market, permet d’adapter le volume de monnaie en circulation aux besoins de l’activité, en fonction de la stratégie adoptée par la Banque centrale. Dans cette logique, l’offre de monnaie reste l’apanage des autorités monétaires. Elle est exogène. Ceux qui de nos jours critiquent vivement l’ancien Président de la Fed, Alan Greenspan[12], lui reprochent d’avoir permis la crise majeure que nous traversons par une politique d’abondance monétaire. Il est vrai que le krach d’octobre 1987 provoqua une réaction immédiate chez Alan Greenspan, lequel injecta des liquidités mais mobilisa aussi les banquiers pour qu’ils assument leur responsabilité en soutenant les opérateurs les plus fragilisés à l’époque. Au lieu que les prévisions alarmantes se réalisent en 1988, la reprise de la croissance fut au rendez-vous. Beaucoup pensent aujourd’hui que les mesures monétaires d’alors ont accoutumé le monde à un endettement excessif qui, vingt ans plus tard, se traduisit par l’effondrement que l’on sait.

Cette analyse serait fondée si l’offre de dollars et de monnaie en général relevait effectivement de la Banque centrale des Etats-Unis et de ses homologues. C’est-à-dire si elle ressortissait aux décisions publiques. En réalité, la révolution des 3 D déjà évoquée a profondément modifié le paysage.

Historiquement, sauf à engendrer des crises majeures par excès d’écritures[13], la finance restait liée au volume de monnaie métallique existant. Ce dernier déterminait l’enveloppe à partir de quoi elle pouvait se déployer. Avec l’irruption des Banques centrales sur la scène universelle[14], la finance est directement rattachée à une institution, donc à des décisions humaines. Son développement dépend de la régulation opérée par l’Institut d’émission, autre nom du prince dans sa fonction monétaire. L’essor financier peut donc être avalisé ou entravé par une position administrative.

De nos jours, on l’a vu dès 2007 mais surtout à l’automne 2008, le choix est devenu plus radical : ou bien sauver ou bien lâcher les banques trop engagées dans des opérations qui risquaient de les mettre en péril (trop de prêts par rapport à leurs fonds propres, ce qui entraîne la méfiance des autres opérateurs comme des déposants).[15] Pourquoi ? Parce que les trois D dont il a été question plus haut ont tout changé. La mondialisation financière issue du décloisonnement, le marché de l’argent de plus en plus autorégulé que produit la déréglementation, la montée en puissance de la « finance de marché » qu’engendre la désintermédiation ont progressivement défini de nouvelles règles du jeu.

La désintermédiation, nous l’avons signalé, a mis fin au passage obligé par la banque pour obtenir des prêts. Les offreurs et les demandeurs se sont peu à peu retrouvés face à face, obligeant les établissements bancaires à revoir leur stratégie. Eux aussi ont développé des activités de service au sein de la finance de marché, notamment le trading (commerce d’argent) sur fonds propres, le courtage, la production et la distribution de produits dérivés et structurés, le soutien à de fonds spéculatifs ou encore le financement de ventes à découvert.[16] Bref, les banques ont diversifié leurs sources de revenus. Faire crédit demeurant leur raison d’être, elles se sont donc employées à augmenter cette activité. Elles y sont parvenues, grâce notamment à un phénomène nouveau leur permettant d’échapper aux normes qu’elles s’étaient elles-mêmes plus ou moins bien imposées. Décisif, tout à la fois pour saisir le dérapage menant à la crise de 2008 et la reprise en main par les autorités monétaires, le mécanisme est simple, mais il suppose de comprendre et ce que sont les règles dites de Bâle et la différence qui existe entre bilan et hors bilan.

Entrés en vigueur en 1992 (ratio Cook, Bâle I)[17], modifiés au 1er janvier 2007 (ratio McDonough, Bâle II)[18], les accords définissent des ratios de solvabilité (capacité d’une banque à faire face aux demandes de retrait de ses déposants) destinés à écarter le risque de faillites en chaîne. Il s’agit de recommandations qui ne s’imposent pas réglementairement aux banques puisqu’il n’existe pas d’institution mondiale chargée de les faire respecter strictement.

Au passif du bilan de la banque figurent les capitaux et les dettes (à plus ou moins long terme). Ces dernières sont essentiellement constituées des dépôts à vue. A l’actif se trouvent les crédits qu’elle octroie, puisque son activité première consiste à allouer des prêts. Pour augmenter ses engagements, c’est-à-dire faire son métier, elle doit soit collecter davantage de dépôts, soit renforcer ses capitaux propres. Longtemps, ce fut là une loi d’airain, une simple alternative. De nos jours, une innovation subtile a permis aux banques de sortir de ce choix binaire : la titrisation. En voici la logique.

Vous détenez dans votre bilan des créances dont vous souhaiteriez vous séparer. Pour deux raisons au moins : elles présentent un risque auquel vous entendez ne plus être exposé, vous voulez accorder des crédits supplémentaires mais vous vous heurtez au ratio de Bâle II. Si vous ne tenez pas compte de ce dernier, votre solvabilité sera jugée moindre et les agences de notation peuvent dégrader votre signature, c’est-à-dire rendre vos emprunts plus onéreux auprès de prêteurs que votre relative fragilité inquiète. Bref, vous choisissez de sortir de votre bilan des créances encombrantes. Comment ? Par l’émission d’un titre représentatif de celles-ci dont vous vous portez vendeur. Qui vous l’achète ? Des investisseurs financiers, par exemple des compagnies d’assurance, des organismes de placements de fonds, des hedge funds (fonds spéculatifs), des collectivités locales, tous ceux qu’attire un rendement élevé en compensation du risque attaché au produit. Vous venez de créer un Collateralised Debt Obligation, un CDO, c’est-à-dire une obligation adossée à des actifs. Pour le composer, vous mélangez de 120 à 250 actifs différents, et vous obtenez un paquet adossé à ces derniers, baptisé en anglais Asset Backed Security (ABS).[19] On désigne par le terme de « titrisation » cette opération. Il suffit alors de monter une société ad hoc pour gérer ces ABS, couramment appelés dans le langage financier des special purpose vehicle (SPV).

Par la titrisation, les banques transfèrent leur excès de risque de crédit à des investisseurs, de la même manière que les particuliers transfèrent le risque de sinistre aux compagnies d’assurances. Ce mécanisme permet donc aux banques de sortir de leur bilan les créances les plus délicates en contournant le ratio McDonough. Pour que cette esquive soit efficace, le « véhicule » ne doit pas être suspect, c’est-à-dire sujet à perte. Le meilleur moyen est de l’assurer contre le risque de défaut de paiement. Aussi, le SPV rentre-t-il directement dans des contrats dits Credit Default Swap – les fameux CDS. Ceux-ci sont une assurance grâce à laquelle l’acheteur de protection verse une prime au vendeur en contrepartie de quoi celui-ci garantit de compenser la perte éventuelle sur l’actif de référence.

Les CDS sont devenus en peu de temps un élément essentiel de la pyramide financière mondiale. Ils représentaient, avant le 15 septembre 2008, 60 000 milliards de dollars, soit l’équivalent des PIB cumulés de l’ensemble de pays du globe – la richesse planétaire. Avec une précision importante : les CDS ne constituent pas véritablement un marché mais une somme de transactions de gré à gré.[20] Autrement dit, aucun organisme n’en contrôle ni n’en régule encore le fonctionnement.[21] Ils échappent, pour l’instant, à toute régulation officielle. C’est là un point important : tandis qu’une partie de la finance mondiale est régulée, plus ou moins bien, l’autre partie ne l’est pas du tout.

La titrisation permet donc aux banques d’accorder des crédits supplémentaires, avec une démultiplication de leur pouvoir créateur. Cela s’appelle un effet de levier. A titre indicatif, des banques comme Lehman Brothers ou Bear Sterns arrivaient à prêter plusieurs dizaines de fois leurs fonds propres, voire beaucoup plus encore. En cas de retournement de la conjoncture – ce qui arriva – ces établissements se retrouvaient dans l’impossibilité de faire face à leurs engagements. De nombreuses banques connurent cette mésaventure, mais à part Lehman Brothers le 15 septembre 2008, aucun d’entre elles ne fut déclarée en faillite. Le gouvernement américain comme le britannique ou d’autres intervint pour assurer la survie de ces entités. Une formule qualifia cette décision : « Too big to fail », « trop gros pour disparaître ». Entendre : « Les abandonner représenterait un trop grand danger pour l’ensemble du système ».

La conclusion de cet état de fait s’impose : dès lors que les autorités monétaires jugent qu’il est impossible de laisser tomber des opérateurs qui ont pris des risques inconsidérés, ou qui se sont employés à détourner des règles de prudence, cela signifie que la création monétaire, issue des banques, est entérinée par les Banques centrales. Dit autrement : ce n’est plus le prince qui détient le pouvoir régalien de battre monnaie mais des personnes morales privées qui imposent leur puissance créatrice. L’idée classique en théorie économique suivant laquelle l’offre de monnaie est exogène a du plomb dans l’aile. Aujourd’hui, de fait, cette offre est de plus en plus endogène.

L’articulation sécurité/liberté

Depuis la fin des années 70, un vent de dérégulation a soufflé sur l’économie mondiale, persuadant les esprits qu’un marché peut très bien s’en tirer tout seul quelles que soient les circonstances, en vertu de sa tendance de principe à l’équilibre. Tout s’est passé comme si les gouvernements – à commencer par ceux des Etats-Unis (Carter puis Reagan) et du Royaume Uni (Margaret Thatcher) à partir de 1979 – avaient jugé qu’ils pouvaient, qu’ils devaient lâcher la bride sur le cou aux marchés. Que l’idéologie libérale ait inspiré cette option ou que les grands Etats aient renoncé plus ou moins volontairement à maîtriser l’évolution de marchés qui échappaient de plus en plus à leur contrôle importe finalement assez peu. Le fait est là : en une trentaine d’années, la finance de marché s’est imposée à toute l’économie, avec l’efficience pour guide et la cupidité pour moteur. La liberté sembla l’emporter sur la sécurité.

L’histoire du capitalisme pourrait presque se résumer à une course poursuite incessante, ou une valse, entre l’aspiration libertaire du commerce et son désir de sécurité. Quand le commerçant, avec l’aide du banquier, invente les moyens de s’affranchir des pesanteurs du métal, sa liberté croît mais son insécurité aussi. Quand le souverain imagine une Banque centrale pour consolider la dette, la sécurité s’affirme, mais la liberté financière se réduit. Comme l’écrivait Fernand Braudel à propos des Banques centrales : « Je t’aide, je te sauve, mais je t’asservis ».[22] De nos jours, la communauté financière établit des règles prudentielles (Bâle) – sécurité oblige, sans pouvoir leur attribuer force de loi comme le permettrait une approche souveraine globale. Quand la banque invente la titrisation – liberté d’abord – elle en appelle à l’Etat si les choses tournent mal – sécurité au nom de la survie du système. Et ainsi de suite.

Dans ses avatars des dernières décennies, la subordination traditionnelle du marché à l’Etat semblait s’être inversée. Les technologies de l’information, la connexion des marchés les uns aux autres, la mondialisation ou l’interdépendance généralisée ont opéré ce renversement d’apparence. Comme si les marchés s’affranchissaient de leur tutelle, à l’instar du monstre élaboré par le héros du roman de Mary Shelley, le docteur Victor Frankenstein. Tout à coup, dès avant la crise mais plus encore sous l’effet de son onde de choc, nous réalisons que l’économie de marché n’est pas une donnée mais une élaboration lente, patiente, délicate.[23] Que sans pouvoir elle n’existe tout simplement pas.

Les crises, les krachs, les éclatements de bulles spéculatives montrent qu’il n’est guère sérieux de penser qu’un marché, s’il ne subit pas d’entraves, tende toujours vers l’équilibre, comme le prédit la théorie classique. Il est plutôt un espace de tensions conduisant au paroxysme. La crise de 2008 vient de le confirmer. Elle démontre aussi que les marchés financiers ont besoin de contrôles attentifs, que laissés à eux-mêmes ils sont capables de détruire une activité à laquelle ils sont censés concourir. Qu’une trop grande liberté laissée à quelques uns menace la sécurité de tous. Bref, elle rappelle qu’un marché n’est pas un ensemble de transactions plus ou moins aléatoires entre protagonistes anonymes, quelle qu’en soit l’importance (nous faisons allusion ici aux CDS, déjà évoqués) mais une architecture organisatrice des échanges. Un enfant de l’Etat. Cela ne signifie pas que les règles de fonctionnement sont établies ex cathedra : elles sont le fruit de négociations entre les pouvoirs publics et les opérateurs, s’appuient sur des usages et des habitudes, intègrent des mesures expérimentées concrètement, s’élaborent donc dans le temps, souvent long. Que survienne un accident, assistance est alors réclamée au politique. La sécurité, toujours, même au prix de la liberté s’il le faut : le rachat de la banque Bear Sterns ne s’est-il pas effectué de façon autoritaire par l’entremise de la Fed, comme si le communisme s’était lové au creux du capitalisme ? D’aucuns ont parlé d’un « retour de l’Etat », comme si celui-ci avait jamais déserté le domaine économique ! Il avait simplement pris un peu de recul par rapport à l’événement, croyant n’être qu’un observateur. La réalité l’a rappelé à l’ordre.

L’année 2008 a vu l’intervention massive des Etats (injection de liquidités par les Banques centrales, garanties des prêts bancaires, mise en place de plans de relance…) pour stopper l’hémorragie financière qui menaçait. Dans un moment de tension extrême, le pouvoir souverain a donc joué un rôle de dernier rempart contre l’effondrement généralisé, non seulement de la finance mais de l’ensemble de la machine économique. Comme l’écrit fort justement André Orléan : « Le système financier n’a dû sa survie qu’à l’intervention musclée des autorités publiques, intervention rendue possible parce que ces autorités ont des finalités propres qui ne sont pas, justement, d’ordre financier. »[24] Ce qui revient à dire que l’économie de marché ne s’autorégule pas, qu’il faut des parents pour contrôler ce jeu d’enfants, pour reprendre une métaphore utilisée récemment par le président américain Barack Obama.[25] Que la pérennité, en un mot, repose sur un point d’appui exogène : le pouvoir.

Ce constat nous conduit à une réflexion terminale. Contrairement à une idée répandue, la crise inaugurée par les subprimes ne provient pas d’une défaillance du marché mais de son insuffisance. Entendons-nous bien : non pas d’un défaut de libéralisme mais d’une absence d’organisation et de contrôle des flux par le souverain. Certes, des échanges peuvent se multiplier entre opérateurs, mais ils ne constitueront jamais spontanément ni un marché ni a fortiori une économie de marché. De sorte que les interventions étatiques, opérées à chaud, ne doivent pas tromper : ce rôle de pompier ne peut masquer l’autre rôle, décisif, de gardien des forêts.

Qu’il ait fallu agir dans l’urgence n’est pas contestable. Mais cette action n’est que conjoncturelle. Dans un monde où la finance transcende les Etats, il reste à ceux-ci de réguler celle-là au niveau mondial. A chacun son métier, à chacun sa finalité : aux opérateurs de rechercher le profit en gérant des situations complexes ; aux Etats de créer les conditions d’une économie de marché stable. C’est ce que l’on appelle la « régulation ». Sans doute faut-il que des institutions spécialisées soient chargées d’une telle tâche. Ces nouveaux régulateurs pourraient émerger à la faveur de la crise actuelle. Nous pensons notamment à des institutions qui cesseraient d’être inter/nationales pour franchir un degré supplémentaire au-delà des nations. Elles rompraient avec la logique établie au xxie siècle, suivant laquelle chaque nation mandate ses représentants pour défendre ses intérêts au sein d’une organisation. Ce pourrait être, par exemple, une Banque centrale mondiale.[26] Ce serait un moyen supplémentaire pour tempérer le capitalisme.


[1] Aux Etats-Unis, contrairement à la majorité des cas en Europe – en France notamment –, ce sont des spécialistes qui prêtent des fonds pour l’acquisition de logements, pas des banques. Ces professionnels disposent en général de fort peu de renseignements sur leurs clients. Ils sont rémunérés sur le nombre de prêts accordés.

[2] Plus la notation est bonne –la meilleure est AAA – plus le taux d’intérêt d’un emprunt est faible.

[3] L’emploi du B majuscule pour « Banque centrale » a pour but de différencier celle-ci des banques dites de second rang, les banques en général.

[4] Ce phénomène est compréhensible : un actif financier étant un droit sur des revenus futurs, la détermination de sa valeur revient à estimer ceux-ci au mieux. Pour les dividendes d’action, le calcul est complexe. Pour les titres comme les crédits ou les obligations, l’élément clé est le défaut possible de paiement. Ceci explique l’essor sans précédent de certains produits d’assurance contre ce défaut de paiement, comme les Credit default swap (voir plus loin dans le texte).

[5] Il est très difficile d’évaluer les sommes « injectées » par les Banques centrales. Certaines sommes ont été négociées sur le marché interbancaire à très court terme (notamment au plus fort de la crise de liquidité, à l’automne 2008), d’autres font l’objet de prêts longs, jusqu’à un an. Signalons tout de même que les Banques centrales majeures ont été contraintes de mettre sur le marché, plusieurs dizaines de fois, des centaines de milliards de dollars. L’un des critères pour évaluer les interventions est la base monétaire dit M1. Cet agrégat cumule monnaie fiduciaire, comptes courants et réserves des banques auprès de la Bnque centrale. Entre avril 2008 (émergence de la crise) et décembre 2008 (pic de la crise) la base monétaire en Europe est passée de 800 milliards d’euro à 1 200 milliards, soit une augmentation de 50%, suivant les données de la Banque centrale européenne du 1er février 2009. Aux Etats-Unis, elle a augmenté de 844 milliards de dollars, soit plus de 100% de juin 2008 à juin 2009 (données fournies par la Fed sur son site Internet).

[6] Il a connu d’autres chocs, par exemple avec les junk bonds (obligations pourries) en 1989 ou en 2001.

[7] Les seules mines d’or se trouvent en Dacie à l’époque romaine (Roumanie actuelle). Trajan s’en empara.

[8] Les verbes employés sont strictes : créer, émettre. D’ailleurs, une Banque centrale est aussi appelée Institut d’émission. Quant aux pièces, elles doivent être fabriquées.

[9] Laissons de côté la monnaie divisionnaire. Dans la vie quotidienne, nous en manipulons sans cesse ; dans la vie économique, relativement aux autres formes de monnaie, elles représentent une valeur infime.

[10] L’anglais dit encore créer de la monnaie « with the pencil », d’un coup de crayon.

[11] Après le précurseur Jean Bodin, au xvie siècle, Adam Smith (xviiie), Ricardo (xixe), Irving Fisher ou Miton Friedman (xxe) s’y employèrent.

[12] Du 11 août 1987 au 31 janvier 2006.

[13] Les exemples abondent avec Florence au xive siècle, Gênes au début xvie, Venise au xviiie, Paris avec la faillite de John Law en 1720 et bien sûr l’Allemagne de la république de Weimar en 1923.

[14] La première fut la banque de Suède, la Rijsbank en 1668, la deuxième la Bank of England, en 1694. Seule la seconde commença de jouer vraiment le rôle moderne dévolu aux Banques centrales.

[15] Le Crédit Lyonnais fut sauvé par le gouvernement français au cours des années 90, mais il aurait pu tout aussi être mis en faillite, comme l’envisageait la Commission européenne en 1998.

[16] La vente à découvert (en anglais short selling) permet à un particulier ou à un investisseur d’acheter davantage de titres que ceux qu’il détient. L’opération s’effectue sur un marché à terme où il devient possible de vendre un titre que l’on ne possède pas en espérant le racheter à un cours plus avantageux. La différence entre les deux cours détermine une plus-value ou une moins-value. Plus le cours d’un titre chute, plus la plus-value est élevée.

[17] Le ratio Cook est le rapport entre les fonds propres (capital pur) et quasi fonds propres (réserves + certaines provisions + titres subordonnés), d’une part, et l’ensemble des engagements d’autre part, pondérés selon la nature de l’emprunteur. Il doit être supérieur à 8%. Si l’on ne considère que les fonds propres rapportés aux engagements, il doit dépasser 4%.

[18] Le ratio McDonough recommande que le rapport Fonds propres réglementaires/risque de marché + risque opérationnel + risque de crédit soit au minimum égal à 8%. Le risque de marché est le capital requis pour la couverture du risque de marché x 12.5. Le risque opérationnel est le capital requis pour la couverture du risque opérationnel x 12.5. Le risque de crédit sont les actifs pondérés en fonction de leur risque.

[19] Pour les seuls Etats-Unis, l’encours total des ABS était de 1 200 Milliards de dollars en 1999 et de 4 000 milliards de dollars en 2007, année qui a vu leur progression stopper net.

[20] En anglais, Over The Counter.

[21] Le G20 prévoit d’organiser ce « marché » en créant une chambre de compensation comme il en existe sur tous les autres marchés de produits dérivés.

[22] Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècles, Tome III, Chapitre 4, p. 251, Arman Colin, 1986.

[23] S’il fallait s’en convaincre, la seule construction cinquantenaire d’un « marché commun » en Europe, avant d’être « unique », en apporterait la preuve. Pas à pas, l’espace européen s’efforce de devenir homogène, en dépit des mille difficultés que présente l’aventure.

[24] De l’euphorie à la panique : penser la crise financière, CEPREMAP, Editions rue d’Ulm, mai 2009.

[25] Celui-déclarait, le 18 décembre 2008 à propos des marchés financiers : « There is not a lot of adult supervision out there », « adult supervision » signifiant « contrôle parental ».

[26] Nous en avons esquissé les contours dans le dernier chapitre de D’où vient l’argent ?, Editions du Panama, 2006.