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Le mot

La notion de « Juste parmi les nations » vient du traité Baba Batra (15 b) du Talmud. La création à Jérusalem en 1953 du mémorial de Yad Vashem – littéralement « stèle avec nom » –, dédié à la Shoah, l’a rendue célèbre. A ce jour, les « Justes » proviennent de 46 pays différents et sont 26 513. Un nombre infime en regard de la population mondiale des années 1930-1940.

L’origine

Qu’est-ce donc qu’un/une Juste ? Dans le verset 17 du Psaume 145 de David, il est affirmé que le dieu d’Israël est « tsaddik dans toutes ses voies », c’est-à-dire juste, mais « hassid pour ses créatures », c’est-à-dire généreux, chérissant. Le tsaddik est un être humain, entièrement humain, qui jamais ne s’abaisse à la moindre inhumanité. La justice le guide dans tous ses actes. Mais la justice n’est pas obligatoirement généreuse. Elle se doit d’abord de faire appliquer la loi, et si demeure un conflit, elle s’efforce alors d’aboutir à une solution acceptable. Le hassid se place au-delà de la justice. Non qu’il soit injuste, mais la générosité l’emporte chez lui sur toute autre considération. Il peut enfreindre la loi si les événements l’exigent. Non là encore qu’il la récuse, mais il pèse ses actes à l’aune de la vie et de la mort, et il choisit la vie en toute occasion. Ce que d’ailleurs prescrit le verset 19 du chapitre 30 du Deutéronome. Le Juste peut ne pas être un tsaddik, mais c’est un hassid.

Deux exemples

Il en découle qu’un « Juste parmi les nations » n’est pas distingué parce qu’il s’est comporté comme un être épris de justice, mais parce que dans des circonstances exceptionnelles, il ou elle a fait montre de bonté, de cœur, sans déroger à l’impératif moral exigé par sa conscience et sans attendre la plus petite récompense ou la moindre contrepartie. Comme, par exemple, ce gardien de la paix parisien qui, lors de la rafle dite du Vel d’Hiv, prévenait les familles juives avant qu’on ne les appréhende pour qu’elles se cachent ou s’enfuient. Quand on le qualifia de héros, bien des années plus tard, il répondit qu’on n’arrête pas des gens innocents et que cela ne relève en rien de l’héroïsme. Ou comme encore Otto Jogmin, concierge d’une maison de Charlottenburg, qui a caché des juifs dans le sous-sol de l’immeuble dont il était le gardien, parce que c’étaient des braves gens. Il compte au nombre des 616 Allemands devenus « Justes parmi les nations », qui ont porté l’honneur de l’Allemagne sur leurs épaules, au moment où c’était le plus difficile et le plus méritoire.

Le caractère

Le Juste appartient au monde humain, dont il ne se s’affranchit jamais. Il n’est pas happé par le divin, comme c’est le cas de celui qu’on qualifie de Saint. Il n’est donc jamais parfait. Dans ses actes, il ne cherche pas seulement la justice, telle que les dictionnaires pourraient inviter à le croire : si celle-ci consiste à reconnaître et à respecter les droits et les devoirs de chacun, il sait enjamber ce stade (en soi déjà essentiel, bien sûr) pour toujours accorder la priorité à la vie sur la mort. Il évolue au milieu de ses semblables, avec ses défauts et ses qualités, sans prétendre s’élever au-dessus des contingences matérielles, tout au contraire. La grandeur du Juste est précisément de ne pas être un Saint.