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Quand Jules Isaac obtient en 1960 de Jean XXIII l’élimination de tout mépris dans le christianisme à l’égard des Juifs et du judaïsme, c’est au nom de la vérité historique, donc de la justice. Son argument-clé devant le pape est déterminant pour le succès final de son projet : si l’antisémitisme païen des origines et celui du nazisme sont absurdes et dénués de fondements, celui né d’une certaine dérive de la théologie au cours des siècles a imprégné les mentalités chrétiennes. Au sein même de l’Eglise s’est donc développé un antisémitisme consistant, auquel il est possible de remédier. Ainsi, non seulement l’enseignement du mépris peut être efficacement combattu mais aussi abattu. Et depuis l’encyclique Nostre Aetate (1965), le rapprochement judéo-chrétien est un fait. La disparition dans le catéchisme de mentions telles que perfidus judaïcus n’a pas peu contribué à modifier la perception du judaïsme dans les esprits chrétiens.

Pourquoi ne pas engager la même démarche entre l’islam et le judaïsme ? De même que la Bible contient des versets d’une grande violence menant à l’exclusion, il existe dans le Coran de nombreux passages qui incitent à la haine et au meurtre. Le texte biblique ne cesse d’être commenté, non seulement avec le Talmud, mais depuis sa parution, pour l’approfondir et en adapter le sens. A La Mecque, encore faible, en proie aux moqueries et au rejet, Mahomet usa d’un prosélytisme pacifique. A Médine, devenu puissant, il développa les appels à la destruction systématique de ses ennemis. Les décapitations de poètes opposés à ses vues en témoignent. Ici, une religion d’amour et de miséricorde ; là une vision haineuse et guerrière. N’est-il pas temps de relire ces textes et de montrer qu’ils ouvrent sur plusieurs interprétations ? Que se réclamer des premiers pour assassiner au nom des seconds relève d’une dérive àinadmissible ? Que la schizophrénie se soigne.

Ne peut-on pas engager une vaste reconquête en se servant du Coran contre ceux-là même qui en trahissent l’esprit d’origine ? Ne peut-on imaginer une relecture de ce texte débouchant sur la laïcité, la liberté de conscience et le droit de vivre pour chacun ? Les volontés ne manquent pas pour s’engager dans une telle voie. Du côté musulman, pensons à Waleed al-Husseini, l’auteur de Blasphémateur ! Les prisons d’Allah (Grasset, 2015), Ghaleb Bencheikh, le Président de la Conférence mondiale des Religions pour la Paix, ou encore des intellectuels comme Rachid Benzine ou Boualem Sansal .Ce ne sont là que des noms emblématiques. Seulement quelques exemples sur lesquels s’appuyer. Il existe plusieurs types de dialogue entre juifs et musulmans, un peu partout en France, mais pas encore de grand dessein. Il manque sans doute un Jules Isaac d’aujourd’hui. En s’inspirant de sa démarche, il est inutile de vouloir combattre l’antisémitisme stupide et sans consistance des suppôts de DAECH ou d’Al Qaida ou de toute autre groupe d’assassins. En revanche, revisiter le Coran en concertation avec des autorités juives ouvertes, philosophes et rabbins, représenterait une avancée considérable. Et rien, en principe, ne s’oppose à une telle entreprise. Certes, comme pour le travail effectué au sein du Christianisme, il ne portera pas de fruits immédiats. Il faudra du temps pour que le mouvement des esprits enclenche le processus espéré, quitte le terrain de l’incompréhension, se répande et transforme la relation entre l’Islam et le judaïsme. Raison supplémentaire pour commencer dès que possible.